À la suite de son élection en tant que Président de la SPEDIDAM le 8 juillet 2024, Jean-Paul Bazin a donné une interview à News Tank Culture. À découvrir en intégralité ci-dessous.
« Avec le conseil d’administration, qui m’a témoigné sa confiance, nous avons l’envie commune de changer l’image que la Spedidam a auprès des autres acteurs du secteur depuis des années. Ceci pour que notre société retrouve la place qui est la sienne dans les filières de la musique et du spectacle vivant », déclare Jean-Paul Bazin, élu président de la Spedidam le 08/07/2024, dans un entretien à News Tank le 16/07/2024. Il annonce vouloir « renouer le dialogue avec tout le monde » et « sortir la Spedidam du statut à part qu’elle avait aux yeux de beaucoup ».
Jean-Paul Bazin évoque également l’audit de la société, acté par le conseil d’administration le 08/07/2024 : « L’annonce de cet audit a pu inquiéter en interne. J’ai tout de suite rassuré les salariés : cette démarche n’a pas pour but de faire des coupes sombres ou de faire tomber des têtes. Simplement, nous devons en passer par là pour avoir un état de lieux de la société, nécessaire pour éclairer les décisions que nous aurons à prendre à l’avenir ».
Il aborde aussi les recommandations émises par la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins (Cour des comptes) dans son rapport en 2022, dont « une grande partie a été mise en œuvre ». Et notamment l’action culturelle et artistique de l’OGC. « À la rentrée, nous organiserons une réflexion sur les critères d’attribution des aides, sur ce qui existe et sur ce qu’il convient d’ajuster, en fonction de la réalité du terrain. Il faut nécessairement que nos aides soient en cohérence avec les attentes et besoins des artistes sur les territoires », indique Jean-Paul Bazin.
Il évoque, enfin, la reprise des discussions avec l’Adami. « J’ai toujours été favorable au dialogue avec l’Adami, y compris lorsque nous avons été en contentieux il y a plus de 10 ans. (…) J’ai toujours estimé logique et inévitable qu’un jour ou l’autre, on n’ait plus qu’un seul OGC pour les artistes-interprètes. Pour autant, l’annonce du rapprochement entre Adami et SCPP n’a pas forcément été bien vécue par certains chez nous, il faut bien le reconnaître. Mais, encore une fois, nous ne refuserons le dialogue avec personne », déclare Jean-Paul Bazin, qui répond aux questions de News Tank.
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Vous reprenez la présidence de la Spedidam, un an après avoir réintégré le conseil d’administration. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce nouveau mandat ? Quels sont les grands chantiers sur lesquels vous allez vous concentrer, pour tenir compte notamment des observations de la Commission de contrôle des OGC ?
D’abord, je voudrais préciser que les décisions que nous prendrons seront désormais actées collectivement au sein du conseil d’administration, et ne seront plus le fait d’une seule personne. Avec le conseil d’administration, qui m’a témoigné sa confiance, nous avons l’envie commune de changer l’image que la Spedidam a auprès des autres acteurs du secteur depuis des années. Ceci pour que notre société retrouve la place qui est la sienne dans les filières de la musique et du spectacle vivant. À ce titre, nous avons envoyé un signal fort lors de notre soirée organisée pendant le Festival d’Avignon (le 15/07/2024), en invitant toutes les organisations et acteurs de la profession présents. C’est un premier message, qui montre que nous souhaitons renouer le dialogue avec tout le monde. Il préfigure notre envie de sortir la Spedidam du statut à part qu’elle avait aux yeux de beaucoup.
Au sujet des recommandations de la Commission de contrôle, émises dans le rapport de 2022 et dont une grande partie est due à notre action, nous notons qu’une grande partie d’entre elles a été mise en œuvre. Cela va évidemment dans le bon sens, même s’il y a encore du travail pour améliorer la situation.
Vous avez annoncé votre intention de lancer un audit. Dans quel but ?
L’annonce de cet audit a pu inquiéter en interne. J’ai tout de suite rassuré les salariés : cette démarche n’a pas pour but de faire des coupes sombres ou de faire tomber des têtes. Simplement, nous devons en passer par là pour avoir un état de lieux de la société, nécessaire pour éclairer les décisions que nous aurons à prendre à l’avenir.
Pour le moment, cet audit est simplement acté. Rien n’est encore déclenché. Etant donné le coût, il va falloir passer un appel d’offres, la démarche va prendre un peu de temps. Cet audit, une démarche volontaire de la part de la nouvelle équipe, viendra compléter les informations contenues dans le rapport de la Cour de comptes.
La Commission de contrôle des OGC reprochait notamment à la Spedidam d’être insuffisamment efficace dans la répartition des droits, et de ce fait d’avoir une trésorerie beaucoup trop importante rapportée aux montants des perceptions. Comment comptez-vous améliorer la situation ?
La Commission de contrôle a toujours reproché son niveau de trésorerie à la Spedidam, mais elle ne le reproche pas qu’à nous. Bien sûr nous allons travailler à améliorer nos répartitions, tout en sachant que nous n’atteindrons jamais les niveaux souhaités par la Commission de contrôle. D’une part, parce que la répartition n’est pas concomitante à la perception : il y a plusieurs mois de délais entre les deux, intervalle pendant lequel les sommes constituent en effet de la trésorerie. Puis, au moment de la répartition, il est impossible de répartir 100 % car il y a toujours des artistes qui n’auront pas déclaré leurs enregistrements et d’autres qu’on n’arrivera pas à identifier.
La Spedidam a une problématique bien spécifique, car représentant les musiciens, nous pouvons nous retrouver, sur un enregistrement de musique symphonique avec chœur par exemple, avec une centaine d’artistes auxquels il faut répartir des droits. Et, pour une même œuvre, les ayants-droits peuvent changer en fonction de l’enregistrement. Mais la situation pourrait évoluer si nous parvenions à un accord avec d’autres sociétés civiles disposant de données qui nous seraient utiles pour améliorer la répartition.
Par ailleurs, au sujet des ayants-droits non identifiés, du personnel a été recruté ces derniers temps pour effectuer des recherches, ce qui va dans le bon sens. Ce travail doit encore être amélioré. Mais c’est pour le moment le seul moyen pour optimiser notre mission de répartition et résorber notre trésorerie.
Sur l’action artistique et culturelle de la Spedidam, la Commission de contrôle des OGC pointait un processus d’attribution des aides devant être « entièrement reconstruit ». Qu’en est-il ?
Là aussi, les choses se sont améliorées depuis le rapport de la Commission de contrôle en 2022. Le principal reproche concernait la politique de soutien aux festivals. Nous allons évidemment continuer en ce sens. À la rentrée, nous organiserons une réflexion sur les critères d’attribution des aides, sur ce qui existe et sur ce qu’il convient d’ajuster, en fonction de la réalité du terrain. Il faut nécessairement que nos aides soient en cohérence avec les attentes et besoins des artistes sur les territoires.
Et, puisque l’on est en plein Festival d’Avignon, peut-être peut-on regarder la situation des compagnies : énormément de projets naissent mais la diffusion, ensuite, n’est pas toujours au rendez-vous. Les théâtres de villes, paupérisés, programment moins de spectacles. Il y a 20 ans, quand on arrivait avec son spectacle en Avignon, on parvenait à signer 30 dates pour la saison suivante. Aujourd’hui, on s’estime heureux si l’on en signe six ou sept, et ce avec un prix de cession du spectacle bien moins élevé. La Spedidam doit être partie prenante des discussions autour de ces problématiques, et amener ses compétences pour améliorer la situation.
Quelles sont les recommandations de la Commission de contrôle qui restent à mettre en œuvre ?
Il y a la refondation du système informatique, celle-ci étant toutefois entamée. Cela va prendre du temps, car nous partons de loin. Et puis, en dehors des recommandations, il y a des choses à améliorer à la Spedidam, en matière de communication interne et externe, ou encore de traitement des feuilles de présence et de déclarations d’enregistrement des artistes. Sur cet aspect, il existe un portail en ligne mais qui n’est pas très efficace et n’a d’ailleurs pas été massivement adopté par les ayants-droit. De ce fait, nous recevons encore beaucoup de déclarations sur papier. Il faut vraiment passer à la vitesse supérieure, sachant que ce processus de numérisation avait été acté en 2013 !
Dans les dossiers qui vous attendent, il y a aussi celui du rapprochement des OGC. La Commission de contrôle souhaitait voir la Spedidam se rapprocher de l’Adami. Comptez-vous reprendre la discussion ? L’accord signé entre l’Adami et la SCPP rebat-il les cartes ?
J’ai toujours été favorable au dialogue avec l’Adami, y compris lorsque nous avons été en contentieux il y a plus de 10 ans. C’est d’ailleurs à ce moment-là, quand j’étais en responsabilités, que nos échanges ont fini par reprendre et que la SAI a été réactivée. Nous avons par la suite signé un protocole d’accord, sous l’égide d’un observateur nommé par le ministère de la Culture. Tout cela nous a permis de stopper les procédures entre nos deux sociétés, qui n’avaient aucune raison d’être, et de reprendre le dialogue.
Malheureusement, le protocole, qui a été dénoncé par l’Adami il y a environ un an et demi, n’a jamais abouti. Depuis, l’Adami a noué des partenariats avec la SPPF puis la SCPP. Je ne sais pas si ce sont ces rapprochements qui ont précipité notre éloignement avec l’Adami, ou s’ils sont indépendants de cette situation, mais je reste favorable à l’idée de renouer le dialogue avec eux. J’ai toujours estimé logique et inévitable qu’un jour ou l’autre, on n’ait plus qu’un seul OGC pour les artistes-interprètes. Pour autant, l’annonce du rapprochement entre Adami et SCPP n’a pas forcément été bien vécue par certains chez nous, il faut bien le reconnaître.
Mais, encore une fois, nous ne refuserons le dialogue avec personne, même si celui-ci devait s’avérer infructueux en bout de course. Mon avantage, c’est que j’ai déjà été président de la Spedidam par le passé, et aussi son directeur général-gérant. Je connais bien mes homologues des autres OGC, ce qui facilitera évidemment la reprise du dialogue.
La Spedidam représente en premier lieu les artistes musiciens. Comment appréhendez-vous l’impact de l’IA sur leur métier ? Comment faire face ?
J’ai été musicien professionnel, batteur et percussionniste, pendant 30 ans. À mes débuts en 1980, on a vu apparaître les boites à rythmes, qui ont alors remplacé les batteurs. Le travail s’est fait rare en studio, et même sur scène, quand on manquait de place ou de moyens. Cela s’est étendu ensuite à d’autres instruments. Cette révolution, on ne peut pas aller contre, car elle nait du progrès technique. Il faut en revanche réfléchir à la manière de l’accompagner, de l’encadrer. Et vite. Car si on laisse les pratiques s’installer, il sera trop tard ensuite. Peut-être y a-t-il un combat commun à mener avec d’autres acteurs de la filière, à cet endroit.
Entretien réalisé par Romain Berrod – Journaliste – News Tank Culture