Pierre Lescure a rendu le 13 mai 2013 son rapport intitulé “contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique”, dans le cadre d’une mission confiée par Madame la Ministre de la Culture sous l’intitulé “Acte II de l’exception culturelle”. Au-delà des éléments portant notamment sur une mutation des mécanismes coûteux de l’Hadopi, le rapport formule des propositions sur ce qui constitue une des priorités de la SPEDIDAM : la rémunération des artistes interprètes pour les services à la demande. La SPEDIDAM réclame depuis des années des garanties pour ces nouveaux services, soit par l’établissement d’un guichet unique gérant les droits exclusifs des artistes interprètes et des producteurs et traitant avec les opérateurs de services en ligne, soit par la garantie d’une rémunération négociée par la SPEDIDAM et perçue auprès de ces opérateurs de services à la demande.
Pierre Lescure, en réponse à ces revendications, vient de formuler une proposition qui aurait pour résultat d’abroger de fait les droits des artistes interprètes. En effet, sa proposition repose en premier lieu sur le principe d’un transfert des droits des artistes aux producteurs. Il s’agit de confier les droits des artistes interprètes à des accords syndicaux, à l’instar de l’annexe 3 de la convention collective de 2008 qui fait l’objet d’une procédure en annulation à l’initiative de la SPEDIDAM et de plusieurs syndicats professionnels d’artistes interprètes. Les droits exclusifs des artistes interprètes seraient cédés aux producteurs selon des modalités convenues entre syndicats d’artistes et de producteurs. Les producteurs traiteraient seuls avec les opérateurs de services en ligne pour l’exploitation des enregistrements.
Les producteurs pourraient ensuite, s’ils le souhaitent, charger les sociétés de gestion d’artistes interprètes de percevoir une rémunération sur le montant ou l’assiette de laquelle ces sociétés n’auraient pas leur mot à dire auprès des opérateurs en ligne. Les sociétés d’artistes, sous le contrôle des seuls producteurs, pourraient ensuite répartir ces montants aux artistes interprètes. Il s’agit donc du rejet de l’exercice des droits des artistes interprètes et de leur gestion collective, la cession de leurs droits étant encouragée et la gestion collective neutralisée par un tel dispositif, qui ne sert que l’intérêt de l’industrie phonographique ou audiovisuelle.
L’acte II de l’exception culturelle deviendrait ainsi un acte supplémentaire dans l’abrogation de fait, par des pratiques contractuelles honteuses, des droits des artistes interprètes reconnus par la loi du 3 juillet 1985. Il est stupéfiant qu’une telle proposition ait été présentée comme une garantie en matière de rémunération des artistes et une quelconque gestion collective des droits. La SPEDIDAM demande donc à Madame la Ministre de la Culture d’écarter une telle proposition, scandaleuse, et de travailler à une réforme législative qui accorderait aux artistes interprètes, avec les garanties que représente la gestion collective de leurs droits, des rémunérations décentes pour l’exploitation de leurs enregistrements sur Internet.
Magazine numéro 58 / Juin 2013