Projet de loi Hadopi : le mirage du contrôle d’internet

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Le Ballet du Théâtre Bolchoi ©Laurent Paillier – Agence Enguerand
Le Ballet du Théâtre Bolchoi ©Laurent Paillier – Agence Enguerand
Le Ballet du Théâtre Bolchoi ©Laurent Paillier – Agence Enguerand

Au moment de la rédaction de cette « actualités », le débat sur le nouveau projet de loi (loi Hadopi) dont l’intitulé indique qu’il est destiné à « favoriser la diffusion et la protection de la création sur internet » bat son plein devant l’assemblée nationale. La SPEDIDAM avait soutenu en 2005 et en 2006 l’introduction d’une licence globale pour les échanges non commerciaux sur internet, légalisant ces échanges et rémunérant les ayants droit par le paiement, par les internautes d’une redevance en contrepartie de la liberté de ces échanges. La loi finalement adoptée le 1er août 2006 a été une loi répressive, prohibant ces échanges et les sanctionnant pénalement. Elle n’a pas changé les pratiques des consommateurs.

Le nouveau projet de loi, dite hadopi vise à appliquer l’une des dispositions de la loi du 1er août 2006 qui traite de la responsabilité du titulaire d’un accès à Internet s’agissant des utilisations illicites qui pourraient être faites à partir de sa connexion. En cas de téléchargements illicites, l’abonné se verrait ainsi notifier un avertissement, puis un courrier recommandé, pour finalement être sanctionné en cas de maintien de ces pratiques par la suspension de son abonnement à Internet, le tout sous le contrôle et par les opérations d’une Haute Autorité administrative.
Ce type de procédure pose bien sûr un certain nombre de questions en matière de respect de la vie privée des personnes connectées à Internet. Par ailleurs, cette procédure administrative ne fait en rien disparaître les lourdes sanctions pénales adoptées par la loi du 1er août 2006, qui demeurent.

On peut au surplus regretter une démarche législative qui n’a pas été précédée du bilan nécessaire de la loi précédemment adoptée, qui n’apparaît pas avoir modifié les pratiques des consommateurs et des internautes maintenus dans l’illicéité. Au surplus, la nouvelle procédure administrative débattue ne paraît pas pouvoir changer considérablement les pratiques des consommateurs qui développent d’une part une expertise dans les échanges sur Internet susceptible de les mettre à l’abri de la répression, et d’autre part multiplient les échanges en dehors de tout réseau (entre différents baladeurs MP3 ou MP4, entre disques durs, téléphones à mémoire… etc..).
Enfin, la SPEDIDAM reste convaincue que la solution n’est pas dans la répression, et que si la licence globale ne peut recevoir aujourd’hui le soutien d’une majorité d’ayants droit, il reste nécessaire d’ouvrir une réflexion sur un traitement non répressif des échanges non commerciaux sur Internet, et sur la nécessaire rémunération des ayants droit.

Il est regrettable que ce débat ne puisse encore se tenir et que les logiques répressives prévalent aujourd’hui.
La SPEDIDAM a également attiré l’attention des parlementaires sur la situation inéquitable dans laquelle se trouvent les artistes interprètes quant à l’utilisation de leurs enregistrements sur Internet. Non rémunérés pour les échanges non commerciaux, ils ne le sont pas davantage pour les échanges commerciaux puisqu’à l’exception des artistes principaux ou « vedettes » qui peuvent bénéficier de « royalties », les artistes interprètes ne reçoivent aucune rémunération lorsqu’un titre est téléchargé à partir de sites dits « légaux » ou dans le cadre d’un abonnement par exemple auprès d’un opérateur de téléphonie mobile. L’absence de rémunération des artistes interprètes reste la règle, au moment où la musique circule plus que jamais auprès du public.

Il semble toutefois que l’adoption de ce projet de loi constitue une priorité aujourd’hui plus importante que la construction d’un équilibre équitable en matière d’exploitation des enregistrements des artistes interprètes.

On ne peut que le regretter et attendre le moment prochain où, devant l’inefficacité des logiques répressives, pourront reprendre des débats sur la place de la culture dans notre société et la juste rémunération de ceux qui en sont les premiers contributeurs. De façon plus générale, la SPEDIDAM a exprimé auprès des parlementaires et des pouvoirs publics ses préoccupations à l’égard des difficultés rencontrées pour parvenir à identifier ses ayants droit. De plus en plus, l’accès à l’identité des artistes interprètes participant à des enregistrements est semée d’obstacle, en raison notamment d’une volonté de l’industrie phonographique. Une obligation légale devrait être instaurée pour permettre aux organismes de gestion collective d’avoir librement accès, aux fins de gestion, à l’identification des enregistrements utilisés et des artistes interprètes qui y ont participé.

Elle rappelle aussi régulièrement que la loi française n’est toujours pas conforme à une directive européenne de 1992 en ce qu’elle ne reconnaît notamment pas un droit à rémunération équitable aux artistes interprètes pour toute communication au public de phonogrammes du commerce ni un droit en matière de location de phonogrammes ou de vidéogrammes.

Magazine numéro 51 / Avril 2009