Annoncé pendant l’été 2008 par le Commissaire Européen en charge de la direction dite du « Marché Intérieur « , un projet de directive établi par la Commission Européenne et portant sur l’allongement de la durée de protection des droits des artistes interprètes est actuellement débattu par le Parlement Européen et par le Conseil des Etats Membres de l’Union Européenne. La proposition, fondée sur le constat que les artistes interprètes méritent une meilleure protection au niveau européen, vise à porter à 95 années la protection des enregistrements des artistes interprètes à compter de leur fixation ou de leur communication au public, alors que cette durée de protection est actuellement de 50 années.
Cette démarche est bien sûr positive, et l’allongement de la durée de protection des droits des artistes interprètes peut avoir des effets bénéfiques pour ceux-ci notamment dans le domaine de la perception de la rémunération équitable et de la rémunération pour copie privée. Mais le projet souffre de plusieurs faiblesses. En premier lieu, il ne concerne curieusement que les enregistrements des artistes interprètes fixés sur phonogrammes, c’est-à-dire les enregistrement sonores. La proposition vise d’ailleurs à la fois les droits des artistes interprètes et ceux des producteurs de phonogrammes.
Ceci signifie qu’un concert fixé sur un CD pourrait être pour l’avenir protégé pendant 95 ans, alors que le même concert filmé et fixé sur DVD resterait protégé pour une durée limitée à 50 ans. Et que dire de la protection des comédiens dans les films et l’audiovisuel, qui ne méritent pas moins de protection que le secteur musical…
Par ailleurs, le projet de directive, qui souligne la situation de précarité des artistes interprètes et les pressions de l’industrie sur les droits exclusifs que ces artistes sont trop souvent obligés de céder sans contreparties, n’apporte aucune réponse à cette question de substance des droits.
S’il est prévu de façon transitoire, pour les enregistrements qui seront encore protégés par la durée de 50 années au moment ou l’extension à 95 années entrera en vigueur un dispositif complémentaire de rémunération pour les 45 années supplémentaires (et notamment un paiement de la part des producteurs de disques d’un montant de 20% de leurs recettes aux artistes ne bénéficiant pas de royalties), ceci ne résout en rien la question de la capacité des artistes interprètes à percevoir une rémunération décente, notamment pour les exploitations de leurs enregistrements sur Internet.
C’est pourquoi l’organisation européenne AEPO-ARTIS, dont la SPEDIDAM est membre et qui représente 28 sociétés gérant les droits des artistes interprètes en Europe, soutient le projet de directive en sollicitant d’une part son application à toutes les interprétations des artistes, sonore ou audiovisuelles, mais également en demandant l’instauration d’une garantie de rémunération pour les exploitations commerciales sur Internet. En effet, lorsqu’un consommateur télécharge aujourd’hui sur Internet un titre musical en payant 99 centimes d’euros, seuls 3 ou 4 centimes d’euros sont ensuite versés en moyenne à l’artiste principal, rien n’est versé aux autres artistes interprètes (musiciens, choristes…). Il en est de même pour les services permettant de télécharger par exemple à partir de téléphones portables, en contrepartie d’un abonnement mensuel. La proposition d’AEPO-ARTIS au niveau européen, qui est aussi celle de la SPEDIDAM sur le plan national, est d’instaurer un mécanisme qui permet aux sociétés de gestion d’artistes interprètes, lorsque le droit exclusif en matière de mise à la disposition du public des artistes est transféré au producteurs, de conserver l’exercice d’un droit à une rémunération qui sera perçue auprès des utilisateurs.
Un tel dispositif est en cours d’application par exemple en Espagne. Ainsi, quel que soit le contrat signé entre un artiste et un producteur, la société de gestion représentant cet artiste pourra percevoir auprès par exemple d’I-tunes, ou de Fnac Music, une rémunération au titre des enregistrements qui sont téléchargés par les consommateurs moyennant paiement. Le même principe peut être appliqué auprès par exemple de SFR ou Orange, pour les services offrant l’accès à un répertoire en téléchargement en contrepartie d’un abonnement.
La commission juridique du Parlement Européen s’est prononcée début mars sur le projet de directive, et, à la surprise des organisations d’artistes interprètes, n’a pas inclus l’audiovisuel dans le projet. La question d’une garantie de rémunération en matière de services commerciaux de téléchargement n’a pas davantage été prise en compte. Le Parlement devra statuer sur ce projet, en séance plénière, au cours du mois de mars ou avril 2009.
Parallèlement, les Etats Membres de l’Union Européenne continuent leurs débats sur ce projet. La question de
l’audiovisuel n’est pas encore tranchée et peu d’états semblent résolus à réellement améliorer la situation des artistes interprètes. Le gouvernement français est jusqu’à ce jour hostile à une garantie d’un droit à rémunération perçue par les sociétés de gestion des artistes interprètes pour les exploitations commerciales de leurs enregistrements sur Internet et les réseaux mobiles.
La perspective, a mi 2009, de nouvelles élections au Parlement Européen, perturbe au surplus le débat sur ce projet de directive. La SPEDIDAM espère toutefois que le constat fait initialement par la Commission Européenne de la nécessité d’améliorer la situation des artistes interprètes permettra de faire évoluer ce projet de façon à prendre en compte la totalité des artistes interprètes et à améliorer concrètement leur situation, notamment dans le cadre des nouveaux modes d’exploitation de leur travail.
Magazine numéro 51 / Avril 2009